Les voies (voix) de Sting et de Cohen

lundi 4 juin 2018

Ce soir à Art TV, Sting l’électron libre. Je ne voulais pas manquer ce documentaire. Depuis 1984, l’image de Sting que j’avais en tête venait de Dune, le film de David Lynch adapté du roman de Frank Herbert. Je le savais talentueux, j’ignorais tout de sa vie et j’avais oublié combien il est beau. Britannique, comme David Bowie et comme mon mari. Le même type de physique. Bon, cela explique mon intérêt pour le documentaire, mais je ne m’attendais pas à être à ce point captivée.
Captivée dis-je, dès le moment où il dit : «J’ai toujours pensé qu’il était amusant de mettre de la littérature dans mes chansons… des citations de Shakespeare… Ça m’a toujours fait rire. Certains savaient de quoi je parlais, et d’autres non. Certains étaient suffisamment curieux pour enquêter. […] Pour moi, la pop est comme une grande éponge. Elle s’inspire de tout. C’est une approche éclectique de la culture. Une approche post-moderne de l’écriture.» Et dans ce documentaire, des artistes parlent de lui, Bob Geldof notamment: «Le talent de l’écriture de Sting, c’est de s’arrêter sur une actualité politique, d’y mettre de l’empathie et de nous permettre de comprendre et de ressentir les deux à la fois. C’est une grande force.» Sting intègre dans ses chansons les musiciens du monde et leurs musiques, s’engage contre la Guerre froide (Russians), s’inquiète du réchauffement climatique (One Fine Day), s’émeut de l’immigration de masse en Europe (Inshallah) et danse avec les femmes seules du Brésil (They Dance Alone), etc. Sting ne s’ennuie jamais.
L’émission suivante est un film de l’ONF réalisé en 1965  avec Leonard Cohen, qui a alors 30 ans. Ce n’était pas annoncé, mais il n’est pas si tard, alors je reste devant l’écran. Mes deux premiers souvenirs de lui : son récital de chansons dans une salle de spectacle de Montréal et sa musique dans «l’anti-western» de Robert Altman, John McCabe. Dans le film de l’ONF, Cohen dit d’entrée de jeu: «Dans l’aventure de la vie, je fais partie des poètes voyageurs. Je resterai ici jusqu’à ce que je sois sûr de ce que je laisse. J’ai choisi une voie infiniment large et sans direction.» Plus loin, il confie à un journaliste qui le questionne sur son état d’esprit : «Eh bien, je suis inquiet quand je me lève le matin. Mon inquiétude est de savoir si je suis en état de grâce. […] L’état de grâce est une sorte d’équilibre qu’on éprouve en dépit du chaos qui nous entoure.» Cohen ne cache pas sa dépression chronique. Sa poésie parle le plus souvent de la solitude et de la complexité des relations interpersonnelles (je reconnais là mes propres thèmes d’écriture). En 1963, il publie The Favorite Game, un roman autobiographique sur un jeune homme trouvant son identité dans l’écriture. Je veux en savoir plus sur ce qu’il a vécu après le film. Internet m’apprend qu’en 1965, Cohen a publié Beautiful Losers, un autre roman d’apprentissage, sombre celui-ci, comme beaucoup de ses chansons.
Le premier est heureux, le deuxième l’a probablement été, parfois.