Quand l’art visuel se passe de mots

1er mai 2016

Hier après-midi, sous un soleil éblouissant, j’ai squatté un terrain vague de Laval, derrière le Centre Bell, en compagnie de Valéry Pelletier, artiste en résidence à Verticale, de son mentor Marc-Antoine K. Phaneuf, et d’une dizaine d’autres personnes. J’y étais mandatée par la SLL aux fins d’un article dans le périodique ENTREVOUS. L’artiste présentait une installation temporaire de deux photographies montrant le sommet de toitures émergeant du sol. L’invitation m’avait convaincue de l’intérêt d’être là : Attendre le futur pour recommencer est un projet explorant « les rapports entre le récit textuel et le photographique », et où le « lieu agit comme un contraste poétique dans son environnement urbanisé ». L’artiste, lisait-on encore dans le communiqué, travaille « à partir de son intérêt pour la fiction post-apocalyptique ».

Dès mon arrivée, je suis embarrassée : il n’y a là aucun mot. Au bout d’une demi-heure de perplexité, je traverse la rue avec le groupe pour la présentation orale qui a lieu devant le métro, où le point de vue sur l’installation est celui du public-cible qui va et vient. L’artiste présente son oeuvre. Le mentor prend la parole et il explique pourquoi il n’y a sur le terrain que les deux photographies posées au milieu des roches grises, des mottes de terre dure et des déchets du printemps : « le texte aurait été comme une béquille à l’œuvre ». Je fais remarquer que le communiqué de presse laissait à penser qu’il y avait eu écriture en parallèle avec la création visuelle. Le mentor explique alors qu’au cours du processus d’idéation, il a fait écrire à Valéry des aphorismes. Il est peut-être là le lien que je cherche depuis une heure. Je donne ma carte à l’artiste et lui demande de m’expédier ses aphorismes par courriel, pour que je voie s’il y a lieu ou non d’écrire un article sur ce squatte « déroutant ». Ici, vous me direz que c’est l’effet recherché par les performances des artistes, et je vous répondrai que les mots aussi savent « dérouter ».  Si en fin de compte Valéry n’a pas marié les genres, il y a bel et bien eu fréquentations.